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La Bataille De Vertieres

C’est une des dernières et plus héroïques batailles de la guerre de l’indépendance haïtienne. Jugez-en.

Dessalines apprit que Rochambeau ne se doutait nullement de ses projets audacieux. Il résolut, avant d’attaquer les forts Breda et Vertières, d’envoyer les généraux Christophe et Romain s’emparer de la Vigie qui domine le Cap et empêcher à Rochambeau d’envoyer des troupes au secours de ces forts.

Christophe, après avoir enlevé plusieurs postes ennemis, annonça le 17 novembre à Dessalines qu’il attendait pour atteindre le sommet de la Vigie, qu’on commença l’attaque de Bréda. Dessalines monté sur un cheval plein de feu, accompagné d’un ingénieur s’approcha du fort et l’examina : un fossé l’entourait et entre ce fossé et les remparts s’élevait une haie impénétrable d’aloès et d’autres plantes épineuses entrelacées de fortes lianes. Les Français qui l’avait laissé approcher sans obstacle, lancèrent une grêle de balles pendant qu’il se retirait. Dans la nuit du 17 au 18 novembre, Dessalines confia le commandement de l’avant-garde à Capoix avec ordre que dès que l’action commencerait, d’aller en avant et de ne s’arrêter qu’à la barrière Bouteille. C’est cette manœuvre en partie exécutée par Capoix qui mènera à la capitulation du Cap. Le général Clervaux fit dresser, à 200 toises de Bréda, une batterie d’un obusier de 6 pouces, d’une pièce de 4 et d’une pièce de 8, dont le commandement fut confié à deux artilleurs, Zénon et Lavelanet. Dans la même nuit, Dessalines fit dresser des retranchements autour de Vaudreuil, non loin de Vertières. Il forma un corps de réserve devant rester près de lui.

Le 18 novembre 1803, à la pointe du jour, Clervaux ordonna de commencer l’attaque. Un boulet se fixa dans les remparts de Bréda. Aussitôt, les forts attaqués répandirent la mort dans les rangs indigènes. Le général Rochambeau vint s’établir près du blockaus de Vertières. En même temps, les généraux Christophe et Romain s’emparèrent de la position de d’Estaing et refoulèrent les Français dans la place. Dessalines s’aperçut que les divisions Gabart, Vernet et Cangé étaient exposées au feu du fort Pierre-Michel qui dominait les autres fortifications. Il contourna Bréda, l’attaqua par derrière et assaillit en même temps toutes les positions qu’occupait l’ennemi. Il devait ainsi affaiblir le feu des Français et envoyer l’ordre au général Capoix de changer de direction en allant s’emparer de la butte Charrier qui dominait Vertières. Il existait au centre du plateau un ravin que traversait, en face du fort Vertières, un petit pont à moitié brisé. Entre ce point et le fort, s’élevaient des barricades au-dessus desquelles étaient braquées quatre pièces de canon. Capoix devait longer le ravin sous le feu d’une batterie. Il fut accueilli par un feu si vif que ses soldats chancelèrent. Capoix qui n’avait jamais fui devant les Français fit entendre sa voix : « il faut vous rendre maîtres de cette butte ; le salut de l’armée en dépend. En avant ! » Ses grenadiers s’élancèrent avec rage au devant de la mort. L’artillerie française les culbuta, jeta du désordre dans les rangs de ces brigades qui se replièrent sur leur quartier général.

Dessalines lança alors contre Vertières d’autres demi-brigades qui furent aussi maltraitées. Capoix ramena ses soldats au combat, bravant la mort au premier rang, il arrêta l’élan des Français qui avaient franchi le ravin. La mitraille faisait de grands ravages. Les soldats étaient renversés. Capoix fit un dernier effort, monté sur un cheval richement caparaçonné, il s’élança plein d’ardeur contre le fort. Ses soldats le suivirent, furent repoussés ; il s’indigna, les exhorta à le suivre encore ; il jura d’enlever la batterie ; ses grenadiers atteignirent les barricades. Un boulet renversa son cheval, il se releva, marcha et s’écria : « En avant ! En avant ! », La foudre éclatait. Son chapeau garni de plumes fut enlevé, les rangs indigènes s’éclaircissaient. De grandes acclamations retentissaient du côté de l’habitation Vertières : « Bravo ! Bravo ! » Sortaient de la garde d’honneur de Rochambeau, spectatrice du combat. Le combat recommença avec une nouvelle fureur. La détonation multipliée des canons se prolongeaient au fond des bois. Dessalines s’aperçut que s’il ne s’emparait pas de la butte Charrier, le succès de la journée lui échapperait. Il demanda à Gabart son avis et celui-ci lui fit observer que les troupes, en passant sous le feu croisé des forts Bréda, Vertières et Pierre-Michel seraient anéanties. Le soleil était brûlant et les baïonnettes de la garde de Rochambeau étincelaient. Il y avait trois heures que l’on se battait avec acharnement. Gabart, armé d’un fusil, et Jean-Philippe Daut suivis de bataillons et de jeunes soldats s’élancèrent dans la magnifique allée qui s’étendait le long du ravin de Vertières. Les Français dirigèrent contre eux tous leurs coups. Des lignes entières furent enlevées mais la colonne avançait au milieu de la mitraille. Les baïonnettes indigènes brillèrent enfin avec éclat au sommet de Charrier et répondaient aux fusillades du fort Vertières. La fusillade se tût bientôt. Il était onze heures. Christophe qui avait établi une batterie au sommet de la Vigie canonnait le Cap. On entendait les détonations de l’artillerie et les décharges de la mousqueterie. L’atmosphère était sans cesse déchirée par les obus et les bombes qui éclataient dans l’air et répondaient la mort. Dessalines assis sur une large pierre donnait ses ordres et semblait jouir de ce magnifique spectacle. Il ordonna à Gabart d’aller renforcer Daut à la butte Charrier; ceci qui fut fait suite à d’énormes pertes. Rochambeau, voyant Capoix sur le point de forcer le passage que défendait le Fort Vertières, ne crut pas devoir donner assaut à la butte Charrier : Capoix aurait pu en prenant la savane Campin, l’attaquer au milieu de la savane et lui couper toute retraite sur le Cap. Il y fit établir une pièce de 16 qui joua activement contre Charrier que les indigènes ne tardèrent pas à démonter Un espace de 200 pas séparait les combattants de Vertières. La fusillade des indigènes recommença. Le général Clervaux sortait des rangs pour envoyer la mort aux Français. L’adjudant général, Gérard, passait sous les feux pour aller demander des ordres à Dessalines. Gabart et Daut excitaient l’admiration des soldats par leur sang-froid. Clervaux ordonnait de faire des élévations de terre contre la mitraille. Daut traçait une ligne de retranchement.Toutes les troupes se mirent à l’ouvrage. Les travaux furent achevés en moins d’une heure.

Un caisson sauta dans l’enceinte de Vertières. Les Français furent contraints de sortir du fort, rempli de fumée, avec deux pièces de canon. Daut descendit pour les combattre. Il fut repoussé. Pendant que le désordre régnait à Vertières, Dessalines tenta avec une brillante charge de cavalerie d’ouvrir un passage vers la Barrière Bouteille. Il appela Paul prompt qui le salua. Un escadron sortit du quartier général au son des fanfares. Chaque capitaine attaquait à la tête de sa compagnie. Les Français furent assaillis de partout mais ils demeurèrent inébranlables. Leur première ligne, genou en terre, présentait la baïonnette pendant que les autres faisaient un feu des plus meurtriers. Les dragons indigènes expiraient contre ce rempart fer et de feu. Par intervalles, les rangs ennemis s’ouvraient et la mitraille les repoussait au loin. De nombreux chevaux remplissaient le ravin. Prompt rallia ses cavaliers et malgré les obstacles que représentaient les chariots renversés se précipita contre le carré avec impétuosité. Les Français furent ébranlés. Dessalines fit appel à Dominique qui se précipita. Ses dragons, animés par l’exemple de Prompt, attaquèrent et ouvrirent un passage. Les Français, mis en désordre et sabrés, rentrèrent dans le fort plein de fumée. La cavalerie fut culbutée, se replia et rentra au quartier général avec son chef. Dessalines se montra affligé de la mort de Prompt. D’autres à cent pas du fort Vertières supportaient héroïquement le feu des Français qui leur envoyaient des injures. Le commandant de Vertières se promenait autour des remparts et animait ses grenadiers en agitant son sabre. Il adressait la parole à Clervaux quand celui-ci eut une épaulette emportée par un coup de mitraille. Vers les quatre heures de l’après-midi, la fumée de la poudre devint si épaisse que les combattants cessèrent de se voir. Le général Vernet à la tête de sa division eut un cheval tué sous lui. Le colonel Guerrier eut un bras fracassé par une balle. Des boulets qui semblaient ne pas sortir de Vertières leur tombaient dessus. Des éclaireurs découvrirent un bac armé d’une pièce de canon sur la rivière du Haut du Cap. Ils dirigèrent sur ce bac un vive fusillade et les Français se retirèrent. Rochambeau voyait la fortune se prononcer contre lui. L’opiniâtreté des indigènes que le feu meurtrier des batteries n’ébranlait pas, le déconcertait. Il résolut de les chasser du tertre de Charrier. Il exhorta ses troupes à faire un dernier effort. Sa brillante garde d’honneur s’ébranla. Mais des chasseurs indigènes avertirent Clervaux de l’approche de l’ennemi. Plusieurs compagnies furent placées en embuscade dans un bois que devaient traverser les Français. Quand ces derniers pénétrèrent dans la forêt, ils reçurent en flanc plusieurs vives décharges de mousqueterie et durent rétrograder. Il était déjà cinq heures de l’après-midi que l’acharnement des combattants ne ralentissait pas. Tout à coup des nuages s’amoncelèrent, des éclairs sillonnèrent l’espace ; le tonnerre gronda. Le feu continuait toujours. L’atmosphère se chargea d’épaisses vapeurs et la pluie tomba avec violence. Le plateau fut inondé des eaux qui descendaient des mornes et le feu ne cessa qu’en dépit des combattants dont les fusils ne pouvaient plus lancer la mort. La pluie ne s’affaiblit qu’au commencement de la nuit. Alors, Dessalines accompagné du chef de son état-major, l’adjudant général Bazelais et du général Daut Brave, vint à Charrier. Il était six heures du soir. Aussitôt les acclamations les plus vives témoignèrent l’amour des soldats qui l’entourèrent. L’ivresse de la victoire brillait sur son front. Il dit au général Clervaux : « vous êtes aujourd’hui le commandant de mes généraux ». Les soldats indigènes firent éclater des transports de joie quand ils l’entendirent s’informer des blessés. Il ordonna de les transporter au quartier général de Vaudreuil. Les indigènes se montraient gais quoiqu’ils fussent pressés par la faim et assaillis par toutes sortes de privations. Les vivres arrivaient difficilement de l’intérieur car Jacques Tellier et Cagnet, chefs des congos, occupant les environs du Cap, assassinaient la plupart des cultivateurs qui se dirigeaient vers le camp indigène. Ils avaient trahi la cause de la liberté et combattaient encore pour un gouvernement qui avait replongé dans la servitude de nombreux infortunés qu’un décret avait émancipés en 1794. Le général Yayou qui leur avait été opposé avait déployé une grande activité pour arrêter l’élan qu’ils voulaient prendre vers le Cap, pendant la bataille.

Dessalines se retira au quartier général de Vaudreuil et ordonna à Clervaux d’attaquer l’ennemi, au petit jour. Il se croyait assuré du succès. On employa toute la nuit à faire des gabions en pensant qu’on pourrait ainsi approcher ses canons de la place. Le commandant de Vertières sortit du fort qu’il livra aux flammes. Une brigade indigène en prit possession. Pendant qu’elle combattait l’incendie, les indigènes d’autres corps criaient : « les blancs prennent la fuite, en avant ! ». Les soldats Français faisant volte-face demandaient ce qu’ils voulaient. Il ne fut pas tiré un seul coup. Les Français continuèrent leur marche sans être inquiétés. Dessalines avait envoyé l’ordre de les laisser entrer en ville.

Etudiez les déplacements des troupes puis opinez sur la capacité militaire de Dessalines.

Parlez des généraux et soldats qui prirent part et se distinguèrent à la bataille de Vertières.

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  • […] 1803: Batailles de la Butte Charier et de Vertières. Dans l’après midi, les bataillons de Capois-la-Mort et de Gabart prennent la Butte Charier. A Vertières, les grenadiers de Rochambeau tentent une contre-attaque finale, mais sont repoussés par Capois-la-Mort, Gabart, et Clervaux. La France a perdu la guerre. […]

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