Les contradictions et relations entre certains indigènes, certains colons et certaines puissances étrangères coloniales se sont détériorées, à plusieurs reprises, à Saint-Domingue après 1791. Les luttes ou alliances entre les noirs, les mulâtres, libres ou esclaves avec certains blancs et d’autres puissances coloniales se sont parfois renforcées. Des batailles décisives ont eu lieu. L’objectif ultime était la liberté générale pour tous et l’indépendance de toute domination coloniale. Le texte suivant explique le rôle et l’attitude des divers acteurs alors en présence.
Au fil des ans et vu leurs revendications, plusieurs affranchis, noirs ou mulâtres, avaient gravi des échelons dans l’Armée Indigène. Les événements en France avaient aussi ralenti temporairement le flux de militaires de la Métropole vers la Colonie. La division entre royalistes pro-métropole et indépendantistes, à St-Domingue, avaient aussi mis en opposition certains hauts gradés français de l’Armée Coloniale. Des affranchis avaient ainsi pu occuper des postes militaires très élevés. Certains militaires locaux, colons ou indigènes, en étaient même arrivés à s’opposer à des commissaires venus de France et les avaient renvoyés. Toussaint Louverture, un militaire, noir libre de plus en plus puissant et indépendant d’esprit, prit les rennes et se fit nommer responsable en chef de l’Armée de Saint-Domingue puis Gouverneur Général de la Colonie.
A l’époque, la France était en guerre avec d’autres puissances européennes. Ces dernières convoitaient Saint-Domingue. Elles essayaient de se l’annexer ou d’en contrôler les exportations coloniales très importantes pour l’industrie française. La Métropole réagit et envoya, en 1801, le Général Leclerc pour reprendre le pouvoir. Ce dernier trouva une armée coloniale indigène qu’il fit chapoter par des militaires métropolitains. Ceci aggrava l’insatisfaction des noirs et mulâtres et des chefs indigènes. Rétorquant, Toussaint Louverture se rapprocha tour à tour de l’Espagne et de l’Angleterre pour montrer sa puissance et essayer de se libérer du joug métropolitain français. Considéré comme traitre, il fut capturé et envoyé en prison en France. Pour affaiblir la domination française, les défections s’intensifièrent alors encore plus dans les rangs des chefs de l’Armée coloniale indigène dont certains étaient du côté des Espagnols et d’autres du côté de l’Angleterre. Ces puissances gagnèrent du territoire et occupèrent plusieurs villes entre 1794 et 1798. La situation découragea certains colons qui quittèrent alors la colonie définitivement ou pour un temps. Bientôt cependant, la guerre entre puissances européennes prit fin et la France reprit aussi le contrôle légitime du territoire colonial de St-Domingue.
L’Armée métropolitaine se trouva cependant isolée à St-Domingue. Elle s’efforça de rallier quelques chefs indigènes encore favorables à la France, de diviser l’union des affranchis, mulâtres et noirs, ou encore d’éliminer d’autres chefs indigènes toujours loyaux à d’autres puissances étrangères. Parallèlement, en fonction de leur allégeance et des circonstances, les chefs indigènes s’entraidaient, rivalisaient ou s’entredéchiraient. Certains d’entre eux impliqués dans des luttes partisanes et battus s’exilèrent volontairement. Les esclaves, eux, n’arrêtaient de se révolter sous la supervision de chefs de bandes, ralliés progressivement par ou à des militaires affranchis ou noirs, de telle ou telle tendance, que les puissances européennes en présence livraient, parfois, à la France par suite d’erreurs mal interprétées ou involontaires. Le racisme, la cruauté et le désir de maintenir l’esclavage étaient visibles chez certains anciens colons et chez presque tous les nouveaux envahisseurs. Aussi, les affranchis, noirs et mulâtres, ainsi que presque tous les militaires indigènes, libres, s’en rendaient compte. Le maintien des injustices découlant de la colonisation, en général, leur était évident. L’alliance entre la plupart des chefs indigènes, entre tous les libres avec les esclaves devint alors la seule solution pouvant mener à la liberté et égalité réelle qui leur permettrait d’avoir un territoire à eux, sans contrôle colonial, sans exploitation et sans imposition d’un quelconque pays étranger.
Cette unité résultant d’une profonde compréhension de ces contradictions dynamisa les troupes indigènes qui regroupèrent au fur et à mesure presque tous les affranchis et tous les esclaves, unis ensemble, debout et en faveur d’une longue et dure guerre pour l’indépendance. Ils confisquèrent les armes des colons, achetèrent des armes des nouvelles puissances voisines telles que les Etats-Unis, brûlèrent villes et habitations afin de s’assurer de la victoire. Ils luttèrent à chasser toutes les puissances étrangères se trouvant sur le sol de St-Domingue. Et tout colon, français ou autre, restés favorables à quelle que soit la métropole européenne dut quitter Saint-Domingue ou se voir éliminé ou jugé comme ennemi de la liberté ou de la future nation. Le 18 novembre 1803 avait lieu la bataille décisive à Vertières et le 1er janvier 1804 l’indépendance était proclamée. Il ne restait alors sur le sol haïtien que les combattants indigènes, soit la population de noirs et mulâtres, libres ou esclaves d’antan, leurs familles ainsi que des colons ou descendants de colons ruinés mais qui avaient épousé la cause de la liberté et de l’égalité et qui avaient décidé de poursuivre leur vie sur cette terre en dépit des conditions difficiles prévalant après le combat et après cette victoire gagnée au prix de grands sacrifices. S’y trouvaient aussi des dirigeants indigènes devant un pays libre mais détruit, à reconstruire; ainsi que des hommes d’affaires puissants, américains ou citoyens d’autres nations européennes, venus faire fortune dans le cadre de nouvelles relations commerciales onéreuses pour la nation haïtienne isolée et mal vue des anciennes grandes puissances économiques d’Europe, mais devant se faire accepter et développer de nouvelles relations au niveau international.
D’après le texte, tous les généraux indigènes s’entendaient-ils bien? Quelles étaient leurs attitudes l’un envers l’autre? Retrouve-t-on encore de tels comportements de rivalité chez les politiciens ou groupes politiques haïtiens? Donnez des exemples, au besoin.
Y avait-il aussi division entre les colons français à l’époque ? Ceci était-il favorable aux libres et esclaves ? Si oui, pourquoi ?
Quelles sont les métropoles et nations qui ont eu des relations et ont aidé les insurgés à Saint-Domingue, après 1791, contre la France? Pourquoi? Ces aides ont-elles été désintéressées, permanentes ou temporaires? Justifiez vos réponses.
A votre avis, la situation au lendemain de l’Indépendance était-elle facile ou difficile? Pourquoi? Quels devaient être, à votre avis, les grands défis et problèmes auxquels faisaient face les nouveaux dirigeants haïtiens de l’époque? Par ailleurs, l’égalité allait-elle être réelle entre les hommes de cette nouvelle nation? Expliquez votre réponse.