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Abbe Gregoire:Contre traite et esclavage

En Haïti, on a surtout parlé de Bartholomée de las Casas comme le plus grand défenseur des indiens et le seul anti-esclavagiste. L’Abbé Grégoire s’est aussi distingué dans ce domaine et bien d’autres. Haïti étant très lié au Vatican par le Concordat, les luttes de l’Abbé Grégoire, contesté par le Vatican au XVIIIe siècle pour ses contributions dans bien d’autres domaines scientifiques, semblent avoir été minimisées ou tues. Nous les présentons ici.

Le 4 décembre 1750, naît Henry Grégoire à Vého. Il naît Français, lorrain au sens géographique du mot, mais politiquement il est un sujet du roi de France, Vého appartenant à l’évêché de Metz, terre française. Bastine Grégoire, son père est un simple ouvrier tailleur d’habits, sa mère, Marguerite Thiébaut, sans profession. D’eux, Henry Grégoire dira plus tard dans ses Mémoires : « Quant à moi, dont la roture remonte probablement jusqu’ à Adam, né plébéien […], persuadé, comme le dit un poète, que chacun est le fils de ses œuvres, je ne veux jamais séparer mes affections ni mes intérêts de ceux du peuple.  » […] Je remercie le ciel de m’avoir donné des parents qui, n’ayant d’autre richesse que la piété et la vertu, se sont appliqués à me transmettre cet héritage ».

Durant l’année 1776, après avoir occupé bien d’autres charges importantes, Grégoire devient l’un des membres fondateurs de la Société philanthropique de Nancy dont les associés déclarent que « leur association est à base d’amour des hommes (« Homo sum, humani a me nihil alienum puto », ainsi que le dit Térence); ils…ne croient pouvoir mieux honorer la divinité que par l’amour du prochain, la bienfaisance et la bonté du cœur. »
Très vite donc, Grégoire se fait remarquer par son ardeur, sa droiture et la fermeté de ses convictions religieuses mais aussi, désormais, politiques.
Le 17 juin, le tiers-état se proclame « seul représentant de la nation » et devient « Assemblée nationale » puis « Assemblée nationale constituante » le 9 juillet. Grégoire et La Fayette siègent au centre gauche.

Le 4 décembre 1789, sur intervention de Grégoire, l’Assemblée constituante autorise l’admission des sang-mêlé à la représentation nationale. Le 9 décembre, Grégoire adresse à l’Assemblée son Mémoire en faveur des gens de couleur et de sang-mêlé de St Domingue et des autres îles françaises de l’Amérique dans lequel il plaide pour les droits des hommes de couleur libres mais aussi contre l’esclavage. Egalement, en décembre 1789, Grégoire devient membre à part entière de la Société des Amis des Noirs, fondée par Brissot de Warville en 1788 et qui comptait dès le début parmi ses membres trois autres lorrains : Saint Lambert, le Chevalier de Boufflers et le Maréchal de France, Prince de Beauvau-Craon. Il en deviendra le président le 19 janvier 1790.

Le 12 octobre, Grégoire, par sa Lettre aux philanthropes sur les malheurs, les droits et les réclamations des gens de couleur de St Domingue et des autres îles françaises de l’Amérique, dénonce la décision de l’Assemblée de confier à des assemblées ouvertes aux seuls planteurs le soin de modifier éventuellement le statut des personnes de couleur.

En mai 1791 ont lieu à l’Assemblée de violents débats sur les colonies qui aboutissent à un décret (voté le 15 mai) reconnaissant les droits politiques des gens de couleur nés de père et de mère libres. Aussitôt est placardée dans les rues de Paris la liste des traitres: Brissot, les frères Clavières, Condorcet, Destutt de Tracy, La Fayette, Monge, Robespierre, Sieyès, mais le premier en tête de liste est Grégoire. Le 8 juin, Grégoire, exultant, adresse une Lettre aux citoyens de couleur et nègres libres de St Domingue et des autres îles françaises de l’Amérique : « Amis, vous étiez hommes, vous êtes citoyens et réintégrés dans la plénitude de vos droits, vous participerez désormais à la souveraineté du peuple. Le décret que l’Assemblée nationale vient de rendre à votre égard,.., n’est point une grâce, car une grâce est un privilège, un privilège est une injustice; et ces mots ne doivent plus souiller le code des Français. En vous assurant l’exercice des droits politiques, nous avons acquitté une dette; y manquer eût été un crime de notre part et une tache à la constitution. »

Le 16 septembre, Grégoire proteste contre la remise en cause du décret du 15 mai qui accordait les droits politiques aux gens de couleur libres. Le combat est loin d’être terminé… Le 18 juin 1792, Grégoire, très applaudi, lit son projet de Déclaration du droit des gens qui définit les principes du droit international mais la Convention ne le vote pas, peut-être parce que son application eût été difficile dans les circonstances du moment. Dans un contexte apaisé, en avril 1795, il représentera ce projet qui plaide pour l’égalité des nations, petites ou grandes, mais sans succès ; … Il faudra attendre 1948 quand René Cassin, président de la Ligue européenne des droits de l’homme, reprendre les textes de Grégoire pour l’élaboration de la Charte universelle des droits de l’homme adoptés par les Nations Unies.

Le 27 juillet 1793, Grégoire, président de la Société des amis des Noirs, membre de la commission coloniale, fait supprimer par décret la prime royale de 2,5 millions de francs or versée aux négriers pour encourager la traite des Noirs.

Le 4 février 1794: 1ère abolition de l’esclavage. Grégoire insiste pour que soit employé dans la loi le terme d’esclavage afin que le décret ne puisse pas être faussé et interprété dans un sens favorable aux partisans de l’esclavage. (il se souvenait de ce qui s’était produit avec les instructions du 28 mars 1790 qui, parce que la rédaction n’en était pas claire et précise, furent interprétées par le lobby des planteurs blancs dans un sens défavorable aux personnes libres de couleur : par racisme, les planteurs refusèrent la qualité de citoyens actifs aux hommes libres de couleur et n’appliquèrent pas les instructions dans les îles; ceci fut à l’origine de la condamnation et du supplice de Jacques-Vincent Ogé, de son frère ainsi que de son beau-frère, Jean-Baptiste Chavannes, noir affranchi, en 1791 à St Domingue). Le 6 octobre, à Nantes, ville qui doit sa fortune à la traite esclavagiste, est ouverte une souscription secrète pour faire assassiner Grégoire. Cela échouera.

Entre 1795 et 1798, Grégoire est présent dans la seconde Société des amis des Noirs; il rencontre les abolitionnistes anglais Thomas Clarckson et William Wilberforce.

En 1797, Toussaint Louverture écrit à l’Abbé Grégoire qui, en 1800, envoie à Saint-Domingue sur sa demande, des curés bien imbus des nouvelles lois de la République. A la même époque, Toussaint apprit par un nommé Raphael la prochaine arrivée de Mauvielle et reçut de long détails sur les progrès de ses enfants qui étaient à l’Institut National à Paris. Il fut si satisfait de ces nouvelles qu’il les répandit dans toute la colonie sur les feuilles publiques.

Le 12 mai 1800, Grégoire lit à l’Institut national son Apologie de Barthélemy de Las Casas, évêque de Chiappa, hommage au grand défenseur des indiens d’Amérique.
Sur demande de l’Abbé Grégoire, l’abbé Mauvielle, curé de Noisy-le-Sec près de Paris lui avait répondu le 26 mars 1800 (5 Germinal) au nom de l’abbé Grégoire et lui avait annoncé que sa lettre à l’illustre abbé et sa proclamation à l’armée de St-Domingue concernant le culte catholique avaient été insérées dans les Annales de la Religion. Grégoire avait fait choix de l’abbé Mauvielle pour conduire auprès de Toussaint Louverture les prêtres que celui-ci avait demandés. Mauvielle était sur le point de s’embarquer accompagné de douze ecclésiastiques lorsque le concile national de France s’assembla. Après avoir réorganisé la religion en France, ce concile jeta un coup d’œil sur les colonies. L’abbé Mauvielle qui fut désigné par le concile pour en occuper un, réunit des livres de piété, des vases, des ornements d’église et attendit le moment de son départ.

Mars 1801 : L’abbé Mauvielle désigné par l’abbé Grégoire n’arrivera à St-Domingue qu’à cette date, il sera comblé d’honneurs par le général en chef. Mais les curés déjà établis dans la colonie, principalement ceux du département du Nord, les pères Brelle, Duburcq, Balthazar, Torelli, Placide, Layer et Antheaume, craignant la supériorité des ecclésiastiques qui étaient attendus firent une profession de foi par laquelle ils déclarèrent qu’ils avaient été envoyés dans la colonie par le Pape, et que celui-ci n’ayant pas autorisé le concile tenu à Paris, ils refuseraient de communiquer avec les nouveaux ecclésiastiques que devait envoyer l’assemblée tenue en France, les considérant comme schismatiques. Cette profession de foi injurieuse pour l’abbé Grégoire excita le mécontentement de Toussaint, et les prêtres du département du Nord faillirent payer de leurs têtes leur imprudente démarche.

Automne 1801: dans une réunion au palais des Tuileries, il manifeste sa vive émotion contre le projet d’une expédition militaire à Saint-Domingue et contre le projet de rétablissement de l’esclavage. Le 26 décembre 1801, il est élu au Sénat malgré l’opposition de Bonaparte; tout de suite, il se range dans l’opposition. Le 20 mai 1802, le premier consul rétablit l’esclavage et le Code noir. Grégoire et 64 autres membres du Corps législatif votent contre (211 votent pour).

En juin 1802, Grégoire voyage en Angleterre, il rencontre Wilberforce.
Au printemps 1803, il voyage en Hollande, en Belgique et en Allemagne. Il est accueilli par les savants et les opprimés qui lui manifestent leur reconnaissance. De ces rencontres sans doute naît son Plan d’association générale entre les savants, gens de lettres et artistes, pour accélérer les progrès des bonnes mœurs, association dont le siège serait à Francfort sur le Main.

En 1808, il publie son ouvrage De la littérature des Nègres, ou recherches sur leurs facultés intellectuelles, leurs qualités morales et leur littérature, suivies de notices sur la vie et les ouvrages de Nègres qui se sont distingués dans les sciences, les lettres et les arts.

En octobre 1814, s’ouvre le congrès de Vienne. Grégoire lui adresse une lettre dans laquelle il demande l’arrêt immédiat de la traite et de l’esclavage qu’il signe « Un ami des hommes de toutes les couleurs. » Le 20 mars 1815: retour de l’Ile d’Elbe de Napoléon. Grégoire ne fait pas partie de la nouvelle chambre. Le 29 mars, Napoléon supprime la traite mais non l’esclavage. Le 22 juin, seconde abdication de Napoléon. Le 7 juillet, Grégoire demande à l’Assemblée que l’abolition de la traite soir inscrite dans la constitution. Le 11 mars 1816, par ordonnance du roi, il est exclu de l’Institut National.

Le 7 décembre 1818, il rappelle au cardinal Fontana, à Rome, qu’en 1683 « le cardinal Cibo écrivait aux missionnaires du Congo, en vue de réformer l’usage de vendre les hommes et les réduire à l’esclavage. » Rome ne répondit pas; seulement en 1839, une bulle de Grégoire XVI condamnera l’esclavage et la traite.

Le 30 septembre 1819, Grégoire est élu à la Chambre des députés par les électeurs de l’Isère, à la grande fureur de Louis XVIII qui le fait exclure pour « indignité nationale. Le 19 décembre de la même année, Haïti annonce l’ouverture d’une souscription pour la réalisation d’un buste de Grégoire. Le 1er juillet 1820, la pension de sénateur lui est restituée mais l’arriéré ne lui fut jamais payé.

En 1822, retournant un jour à la salle du Jeu de paume, il confie en pleurant au peintre Louis David : « C’est en ce lieu que j’ai vu naître tant d’espoir, mais également tant de désillusions. Il publie une traduction de l’ouvrage de Clarckson L’histoire du commerce homicide appelé traite des noirs et rédige Des peines infamantes à infliger aux négriers. Le 19 novembre 1822, il annonce son Abdication volontaire et motivée au titre de commandeur dans la Légion d’Honneur.

En 1825, deux représentants de la République haïtienne viennent à Paris. En secret, ils rendent visite à Grégoire et se jettent à ses pieds en reconnaissance du combat mené pour leur liberté.
En 1826, il publie son dernier pamphlet contre les esclavagistes et les racistes : De la noblesse de la peau, ou du préjugé des blancs contre la couleur des Africains et de leurs descendants noirs et sang-mêlé.

Au printemps 1831, atteint d’un cancer généralisé, il sent ses forces l’abandonner. L’abbé Baradère sera son exécuteur testamentaire. Dans un codicille à son testament, il affecte des fonds à six prix de 1000 fr chacun à décerner au concours sur des questions qui lui tiennent particulièrement à cœur, telle que, par exemple, les moyens de lutter contre les préjugés racistes. Il affecte également des fonds pour l’éducation d’enfants pauvres.

Le 6 mai, sa propre église lui refuse les derniers sacrements parce qu’il refuse de rétracter le serment civique qu’il avait prêté à l’Assemblée constituante. Le 25 mai, Monseigneur Guillon, évêque de Beauvais, enfreignant les ordres donnés par la hiérarchie ecclésiastique, administre les derniers sacrements à l’abbé Grégoire. Cet acte de générosité chrétienne lui fit perdre son évêché de Beauvais.
Le 28 mais 1831, à 16 heures, l’ancien curé d’Emberménil expire. Le 31 mai, jour des obsèques, plus de 25.000 personnes assistent à ses funérailles. Sa dépouille est inhumée au cimetière du Montparnasse. Sur la croix, sera gravée à sa demande cette prière :  » Mon Dieu, faites- moi miséricorde et pardonnez à mes ennemis. Ma voix et ma plume n’ont cessé de revendiquer les droits imprescriptibles de l’humanité souffrante, sans distinction de rang, de croyance, de couleur. »

Relevez, dans ce texte, toutes les interventions de l’Abbé Grégoire et ses proches en faveur des esclaves de Saint-Domingue.

Notez aussi les prises de position ou actions d’Haïti en l’honneur de l’Abbé Grégoire.

Dans quels autres pays du globe l’Abbé Grégoire fit des interventions contre la traite et l’esclavage ?

Lisez le texte du site du musée de l’Abbé Grégoire et listez ses autres découvertes scientifiques ou domaines d’intervention.

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